Cela a commencé, à l'aller, par trois hérons gris, que j'ai vu partir l'un vers la droite, l'autre vers la gauche; le troisième, après les retrouvailles à Landos, avec Frapi, était perché sur un rocher ( le héron - pas Frapi ) au milieu du Chapeauroux ( belle rivière brune, le "Chap Oros" ) que tu suis en Margeride.
Belle Margeride, douce Margeride, pays d'antan, que Frapi aurait voulu plus secret encore, avec impossibilité d'en sortir - le pays qu'on ne quitte jamais ...
C'est là que nous avons, pour la première fois, senti l'odeur grisante et sucrée des andains fraîchement coupés. Un parfum qui nous a guidés dans nos vadrouilles autour du Puy Mary ...

    Mais pour l'instant, nous n'en sommes pas encore là. Frapi nous précède : avec son grand imper noir, rapporté des antipodes, passé par-dessus sa combi, on dirait ... on dirait ... ma foi, oui : un curé volant. Croâ ... croâ ... Les ailes noires s'agitent. Bon dieu ! Va s'envoler ! Le Philo a vu la même chose que moi et en fait part à l'intéressé tandis que - pause oblige - nous contemplons - les uns, avec amusement ( ils connaissent ) ; l'autre ( mezigue ) avec stupéfaction, le viaduc pinké kitsh de Garabit, bigaradé en rose à ongles - illuminé la nuit S.V.P. ( si, si, je l'ai vu sur une carte postale du meilleur goût ) Le niveau de l'eau me paraît très bas et cela m'étonne, à cause des orages qui n'ont pas oublié l'Auvergne cet été. ( notre hôtesse nous expliquera que le plan vigipirate à commandé une baisse de niveau : en cas d'attentat contre le barrage de Granval, la masse d'eau inonderait tout jusqu'à Bordeaux ! )

    Voici Chaudes-Aigues, le centre de vacances spacieux et l'accueil chaleureux de nos G.O et des premiers arrivés. Voisins de chambre de Pascal et de Frapi, nous rions, le Philo et moi, en les entendant s'esclaffer. Décidément, ces deux-là n'engendrent pas la mélancolie; je vais découvrir aussi aux repas un Vince déchaîné, un Lézard Vert goguenard, un Hobbit malicieux, un Sébastien plein d'humour pendant qu'Ykli, mine de rien, tire le portrait de chacun ( très beaux, les portraits d'Ykli ) . Nos Suisses font une entrée tiomphale ( si l'on peut dire, vu qu'ils roulent en BM à l'exception de Céline et Corto ).

    Le lendemain, départ dans la brume pour la grande virée autour du Puy Mary. Nous sentons bien que le soleil est là, au-dessus et, peu à peu, le paysage émerge et se dore. Nous traversons des hameaux : Pasgros ( où Pôpa entend siffler ses évents ) puis l'Apeyro ( c'est "lotantique" ) où tandis que les uns font le plein pendant que les autres font le vide, Géné et moi entendons un splendide concert de sonnailles, comme si toutes les reines des vaches avaient été réunies là rien que pour nous. C'est trop beau ! ... Fallait pas ! ... C'est seulement ce soir que nous fêterons toutes deux notre active " retraite " ... Je pense même un instant qu'au café du coin, à côté de la pompinette, on nous a mis un disque pour faire couleur locale ... Mais c'n'est pas l'heure de "l'apeyro".
Avant de repartir, nous suivons des yeux des draisiennes à pédales, sur rail. Un pépé local nous dit que là, à plat, ça va bien, mais que plus loin, CA MONTE !!!

    Ben nous aussi, nous montons. Et j'aime mieux te dire qu'autant sur les routes principales du coin tu roules comme sur un tapis, autant sur les p'tites jaunes ou sur les p'tites blanches de montagne, tu te tapes le tagada-popo-des-plumettes, même si ton fessier repose, comme celui de Dame Jo sur une selle de " Paquebot " ... Epingles, gravillons ... Neige jusqu'en Juin repousse le pèlerin !
Nous échangerons nos impressions bientôt. Que de " Putain ! " dans les casques ! Mais quels paysages !
Les belles vaches de Salers et les chevaux roux à crinières blondes, très nombreux, nous réjouissent. C'est vert, vert de vert dans les prairies.
Au Pas de Peyrol, au pied du Puy Mary, les motards, les caisseux, cyclistes, côtoient les randonneurs de tous âges, en short, grosses tatanes, bâton de ski à la main. Bigre ! elle est bien plus raide que dans mes souvenirs d'enfance , la montée au sommet. Ed'montant, y avait pas ces larges marches... Dire que j'ai grimpé ça, moi ! avec mon P'pa ... enfin, lui est monté au sommet - moi, j'ai calé à mi-chemein, sûrement trop mal chaussée pour l'ascension... Tu ne vas pas là-haut en espadrilles, sacreubleu ! Tandis que je fais l'emplette d'une scie à saucissons, Vince aligne les Schuberth pour une pub ?

ON A FAIM ! L'altitude , ça creuse.

    L'auberge de Recusset, qui se mérite, nous attend au bout d'une petite route en descente ... Vieux murs, lichens orangés, rosiers, étranges chiens de troupeaux aux yeux bleus, au pelage rayé, farouches quand on les approche. Le feu flambe dans la cheminée. Les hôtes nous attendent, qui nous ont préparé un délicieux repas régional dont une " truffade ", l'Ami(e), qui tient au corps
- La " truffe ", ici, c'est la pomme de terre - et coupée cuite et mélangée avec de la tomme fraîche, qui file, " presque autant de tomme que de patates ", nous dit la patronne, on obtient la " truffade ".
Au début du repas, comme une assiette s'ennuie toute seule, garnie d'excellentes charcuteries auvergnates, un coquin à l'idée de la photographier pour montrer à Izno, lequel doit nous rejoindre ce soir, que nous avons pensé à lui.
On compte les convives. Tiens ! il en manque un : c'est Ghislain, parti on ne sait où, que Pascal nous ramène avant qu'un autre puis encore un autre, ne parte à son tour, comme les musiciens dans la Symphonie des Adieux ...
Il fait chaud dehors au soleil - Après pareil festin, Corto allonge ses gambettes tandis que Pôpa s'apprête à siester sur un banc.

    Pas d'ça, Lisette ! A cheval ! Frapi a quelque peu modifié le roadbook prévu par Tricé pour l'après-midi. Ce qui nous permet d'admirer l'impressionnant château-fort de Tournemire, aux parois très verticales, à l'allure austère, resserré entre ses quatre tours d'angle. De ressaut en ressaut, ouille, ouille, ouille ! longeant prés et forêts nous retrouvons le Pas de Peyrol. Un peu plus bas, dans la descente, une pelouse bien verte ornée d'étranges champignons orangés accueille les siesteux, les assoiffés, les endoloris des endosses, les bavards. ( Soit dit en passant, je sors de mon silence contemplatif et de mon verre de Périer lorsque j'entends je ne sais quel roquet de la meute, aboyer à propos de " bas à varices " - Aussitôt, mon sang ne fait qu'un tour et je promets de casser la gueule à quiconque dit du mal de ces instruments - Foi de Dame Jo ! C'est tellement inattendu que je provoque l'hilarité générale, comme lorsque j'ai fait un superbe bras d'honneur à Tromph, en Août ! Vont apprendre à me connaître, ces zozos ... )

    Descendons, descendons ... Sautons ... Sautons ... Bye bye, les vaches ! Vince a réussi à photographier quelques-unes d'entre vous. Dans un pré, j'ai vu trois taureaux ... OUPS ! Peuvent aller se rhabiller, les adeptes des 35 cm - ( Tiens, pour filer cette métaphore typiquement masculine, se rhabilleront tout à fait, et pâliront de jalousie quand ils sauront qu'avant St Chély d'Apcher se trouve le village de ... Deux Verges - J'y ai regardé à deux fois, au cas où ç'aurait été Deux Vierges ... Non, non, non, j'avais bien lu.
Par sauts et par gambades, nous nous retrouvâmes à la croisée des chemins, entre St Flour et Chaudes-Aigues.
Et tandis que les uns allaient prendre les eaux à la douche du gîte, les autres s'en allaient chercher des bulles pour certaine fiesta après l'aligot du Samedi soir ( N'oublie pas la truffade du midi, l'Ami(e) ! )
Géné et Dame Jo, ayant trouvé les bulles, s'en furent taster ( fort rapidement, sous peine d'être transformées en écrevisses à la nage ) les 82° des eaux de Chaudes-Aigues.

    Dame Jo ayant rejoint la troupe au bar, avant le repas, se sentait dans une douce torpeur et intrigua fort Sébastien, Marina et Ykli : Elle fermait les yeux, cherchait-elle sa paix intérieure ( Sébastien dixit ) au milieu du brouhaha ? Ils la virent ensuite s'étirer longuement. Ayant rouvert les yeux, voyant une place de libre à leurs côtés, elle les rejoignit et leur dit, fort prosaïquement :
" Je m'emmerde ! Ça ne jacte que pistons, pneus, vitesses - J'ai mesuré le niveau sonore du côté droit, du côté gauche - C'est du côté du bar que ça cause le plus fort. "
Géné, elle aussi, allait s'endormir. Tricé ( falzar africain oblige ) flirtait avec l'affiche du Banania.
Et soudain , Izno se pointe ! Ruée de presque toute la meute sur ... " La Retraite Tranquille " ... tout ça pour écouter Radio Bleue ou Nostalgie ... Vince qui inaugurait sa nouvelle Ducat' en est devenu vert de jalousie : il n'avait pas eu droit, lui, à la ruée des masses motardeuses !

    Ah... l'aligot ! Pas facile à servir mais délicieux. Nous avons découvert de véritables talents de serveurs chez Japy, Frapi et Sophie ( Hi, hi, hi ! ) qui peuvent s'établir marchands de guimauve sans problème, à la fête foraine de St Flour, la saison prochaine.
Avant de fêter les " ancêtres", Géné et Dame Jo, auxquelles les blancs-becs demandèrent aimablement et ... innocemment ... si elles n'avaient pas déjà perdu quelques neurones - lesdites dames les ayant envoyés se faire lanlaire en leur assurant que le processus les travaillaient aussi, eux-mêmes, en direct - L'assistance fit la fête à Tricé ( " Papy ", " Pépé " - Dans quelle maison de retraite as-tu retenu ta place ? et autres civilités empruntées au même champ lexical ... pour terminer sur le grivois " Tricé, montre-nous ta charte ! " )
ledit Tricé se tenait les cotes et Pascal, un moment donné, faillit même s'étrangler, à force de pleurer de rire ... On aurait dit Manon Lescaut ( L'éclat de rire de Manon ... )

Je m'en fus me coucher, me levai dans la brume
( alexandrin - 12 pieds )

Point embrumée du tout par la soirée
( décasyllabe - 10 pieds )

    Lors du p'tit-déj', Frapi posa devant moi : une bouteille de liqueur de verveine, et deux autres de spiritueux variés. Mais je lui fis observer que je préférais la verveine en tisane ou eau de toilette, et ce fut finalement Gilles qui prit une option liquoreuse.

    Après les adieux déchirants du Dimanche matin, à la fraîche ( 6° à 9h30 ), Le Philo et sa passagère, ayant réenfourché leur jument grise, émergèrent de la brume, laissèrent les Deux Verges ( déjà citées plus haut ) sur leur droite, firent la grimpette du Col du Cheval Mort jusqu'au Truc de Fortunio ( 1551 m, splendide paysage panoramique et vue sur le lac de Charpal, tout argenté au soleil ), se réjouirent à l'Habitarelle, traversèrent Langogne où Dame Jo, levant la tête au bon moment, lut, sur une banderole, le message suivant :
" C'est à Langogne que fut fabriqué la plus longue saucisse - Record du monde = 23 mètres et quelques ..."

... 35 cm ... Peuh ! N'est-ce pas, Mesdames ?

    Ayant ensuite rejoint Lanarce, La Chavade, Aubenas, puis Manosque par notre chère Drôme provençale, Le Philo et moi ayant regagné nos pénates, nous précipitâmes sur les photos ( celles des copains et les notres ) pour revivre la bonne et belle balade auvergnate.

A la prochaine, l'Ami(e) ! Puisses-tu rire un peu ou sourire en lisant, surtout si tu t'appelles Pat(ix) ou Béa

Dame Jo, la rabelaisienne de la moto
qui te salue et te " bige "


PS : Sache, Sébastien, mon p'tit copain, que la scie à saucisson pour droitiers et gauchers n'est pas un gadget et qu'elle fonctionne à merveille.